Review of The Edifice by Réal La Rochelle

Critique du film The Edifice par Réal La Rochelle. En français, voir ci-dessous.

Réal La Rochelle is an author, professor, and critic. Teaching in the department of Art History and Film Studies at the University of Montreal and giving seminars on cinema sound at INIS (Institut national de l’image et du son), he has also contributed to various journals such as 24 Images. He is the author of several books including the biography “Denys Arcand. L’ange exterminateur” which has been translated into English.

Screened at the event of the 38th Concordia Film Festival, here is what he had to say about The Edifice.

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The Edifice de Frank Sanna

Ce court métrage se présente comme un poème de l’errance, ponctué d’une trame narrative minimaliste, où un jeune couple, habilement joué par les comédiens Natalia Valencia et Julien Boissaud, est à la recherche d’un terrain. Un arpenteur a d’ailleurs tracé au sol les marques de cet emplacement. Le réalisateur Frank Sanna voit cette quête comme ancrée dans un cadre au « réalisme magique », une manière de « contemplation mythique de la condition humaine ».

Les deux jeunes chercheurs vont aussi déambuler dans des archives de lettres anciennes et de photos. Ce qui n’est pas sans rappeler l’exposition de 2010 Les deux Sardaignes, à la galerie Espace projet, une collection de clichés familiaux évoquant la Sardaigne originale des parents et l’enfance de l’auteur à Thorold, en Ontario. Frank Sanna appelait ces paysages « l’espace d’une fiction de la vérité personnelle ». The Edifice reprend cette thématique, qu’il prolonge et accentue sur sa bande sonore, sur laquelle se font entendre des bribes d’espagnol, d’anglais et de français (« lots of time », « is it real? », un « Notre Père » en espagnol, « je déteste Dieu parce qu’il veut que je le déteste »).

Par ailleurs, les pérégrinations de ces deux jeunes vont les conduire autant dans des paysages urbains (routes et échangeurs, bâtiments industriels en ruine, hôtel rutilant) que dans des espaces de nature, forêts et bords de l’eau. Ils n’échangent entre eux que des bribes de conversations, la jeune femme parle quelques minutes en espagnol sur son portable (histoire de famille en arrière-plan), le garçon profère quelques aphorismes en français. Sinon, peu de dialogues au sens strict du terme, ce qui ne fait qu’accentuer l’espèce de barrière invisible qui sépare ces deux êtres. Une sorte de malaise s’est installé entre eux, que les déserts urbains et les espaces natures touffus ne font qu’amplifier.

Car ce jeune couple semble tout autant installé dans la gêne d’un premier contact (un moment, ils se dévoilent leurs sexes) que dans la fatigue qui amorce leur rupture. L’atmosphère est ambiguë, les enveloppe à la fois de décrépitude et de rutilance. Le film reste suspendu dans cette problématique, aucune solution ou sortie de crise n’est esquissée.

The Edifice est superbement mis en images, les prises de vues au naturel, autant de jour que de nuit, les paysages et les personnages (y inclus les énigmatiques chiens) captés avec sensualité et une sorte de vibration lumineuse très adroite. La bande sonore, pour sa part, est finement travaillée, au point qu’elle offre un contrepoint très riche à l’image. Paroles, bruitages, silences, musiques religieuses ou profanes s’entrelacent en une chaleureuse tapisserie de sons qui donne au film une modernité particulière.

Poème de la quête et de la solitude, The Edifice rend à merveille cet objectif de son réalisateur de faire référence à « une ambiance de tension entre le sacré et le profane », tout comme de donner au réel une dimension « magique » et de hisser le parcours d’un jeune couple au niveau de la mythologie.

Réal La Rochelle
Mai 2011

À ce jour, ce court métrage de fiction de 30 minutes a été présenté deux fois en 2011. D’abord durant les Rendez-vous du cinéma québécois, le 19 février; ensuite, le 12 mai, au moment du 38e Festival du film de Concordia.

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